Crimson Muddle | "Nocturne" | 2010

Pour rendre justice à Crimson Muddle il faut tout d'abord préciser que
leur présence sur Manic Depression et Zorch Factory Records ne signifie
pas que le groupe oeuvre dans les canons du rock gothique, il s'agit
ici plutôt de New Wave élégante comme l'hexagone pouvait en abriter
dans la meilleure période de groupes comme Clair Obscur et Jad Wio.


Le parti pris de ne pas comporter de guitare amène forcément des
comparaisons, et pas des pires car après tout un groupe comme Collection
D'Arnell Andrea n'en a pas toujours eu.

Pour cette tentative
de chronique je ne vais malheureusement pas passer à côté de certains
lieux communs, oui la musique du groupe comporte un certain charme
(argument un peu bateau quand on parle d'un groupe feminin), oui c'est
une reprise (superbe, originale, audacieuse) de Joy Division "A Means
To An End" qui m'a amené à Crimson Muddle, mais après tout pourquoi
pas.

Oriental

"Nocturne" n'est pas l'album
qu'on pourrait croire qu'il est, ce n'est pas un cd qu'on écoute pour
dire qu'on l'a écouté, les auditeurs les plus avisés pourraient être
surpris par le goût de reviens-y qu'il laisse après une première
écoute. "Nocturne" n'est pas une fantaisie à la Burton, le trio à la
délicatesse d'éviter ce genre d'écueils esthétiques et musicaux.
"Nocture" n'a rien de goth, dark, cold, ni aucune onomatopée dans ce
goût là, certaines influences viennent de la musique orientale
(notamment). Un des textes est de Baudelaire (et là j'en entends déjà
hurler "oh nooon, pas Beaudelaire, pitié") mais le tour de force
stylistique est réussi, et pourtant c'était casse-gueule.


Enfin une dernière chose, "Nocturne" ne sonne pas comme un album fait
par "une ancienne de Deadchovski" et ce qui fait tout son intérêt...
même si ce regretté groupe était excellent il est tout aussi admirable
d'avoir pu passer à quelque chose d'assez radicalement différent à tous
points de vue.

"ze frenche akccente"

Alors
vous me direz que j'ai autant d'objectivité qu'une huitre attachée à
son rocher mais j'ai quand même certaines réserves, toutes
personnelles, des réserves assez modérées toutefois. Tout d'abord il
faut bien deux trois morceaux avant de s'habituer au mixage de la voix
on peut dire carrément en avant ce qui n'est pas vraiment gênant, c'est
vraiment les goûts et les couleurs n'est-ce pas? Rien de grave.


Une autre chose qui malheureusement n'est pas inhabituel (hélas) pour
un groupe français c'est le chant anglophone avec "ze frenche
akccente", mais encore une fois ce sont mes goûts perso, d'aucuns
(surtout les anglo-saxons, d'ailleurs) trouvent que l'accent français à
un certain charme.

Ces détails sont tout de même assez
insignifiants concernant un album tout de même maitrisé de manière
assez stupéfiante (le violon est un instrument magnifique quand il est
maîtrisé et ici c'est tout à fait le cas) et le terme "évolution" sonne
assez vain quand on compare cet album à la première démo parue sur
Zorch Factory Records (qui pourtant était déjà bien sympa).

De la musique pour la tête


Mais que donne le groupe en concert ? Ma seule expérience en tant que
public de Crimson Muddle m'a laissé une impression forte de conviction,
une conviction énorme, et une réelle originalité pour un groupe qui
gravite dans cette "scène" (je déteste ce mot)... oserai-je dire que le
trio fait de la musique qui à défaut de faire bouger les jambes comme
une poupée mécanique cyber kawai fait bouillonner le cerveau et
impressionne par une énergie statique qui ne manque pas non plus de
groove et de suggestion. De la musique pour la tête.

De même
que les textes ont un certain parti pris intellectualisant (un peu
comme ceux de Droserae), les musiciennes de Crimson Muddle semblent
militer à leur manière et à leur échelle contre l'appauvrissement
-devrais-je dire contre la paupérisation?- d'un style musical où le
minimum syndical est parfois (je le déplore) suffisant pour un public
qui semble (ou bien le laisse t-il croire?) se contenter de groupes
parfois peu exigeants et rigoureux à ce niveau là. Le groupe sait aussi
porter cette originalité et ce savoir sans devenir trop bavard ni trop
copieux : une sorte de minimalisme savant.

Beaucoup de
sueur, donc, je dirais même des hectolitres dans la petite salle mise à
la disposition des groupes et du public par l'asso Nocturnal Motion
(qui a encore fait un excellent boulot) dans le sous-sol de L'Antidote,
un bar Bordealais.

Que dire à part les encourager à
continuer, à évoluer toujours plus dans ce sillon qu'elles ont creusé
par elles-mêmes, à continuer sans se prendre la tête (et c'est tant
mieux car les trois demoiselles n'hésitent à parler de leur musique
assez simplement, justement, pour peu qu'on ne soit pas "relou").

Alors vite le prochain album, surveillez ce groupe qui je pense n'a pas fini de nous étonner.

Interview
http://lesallumes2underground.xooit.fr/t268-Crimson-Muddle.htm
Myspace
http://www.myspace.com/crimsonmuddle